Pierre Eugène GRANDSIRE (1825-1905) "Palais Cavalli appartenant au Comte de Chambord, ce dernier au balcon, le grand canal et la Saluté à Venise" en 1851 huile sur toile datée 1851 et signée en bas à droite, important cadre en stuc doré (153x116 cm)
Lithographie de Lemercier parue dans l’Album de l’exil. Résidences de la branche aînée des Bourbons depuis 1830 (Paris, Bertin, 1850), pour laquelle notre aquarelle est préparatoire.
- Oeuvre exposée au Salon de 1852 sous le N° 577 et titrée Le palais Cavalli et l’église de la Salute sur le grand canal, à Venise.
Historique : Élève du paysagiste barbizonien Jules Dupré et du mariniste Jules Noël, Grandsire publia en 1850 un album de l’exil dans lequel il représente les résidences (en Autriche, Bohême, Ecosse. . . ) occupées par la famille royale des Bourbons depuis 1830. Parmi les 15 lithographies, les deux dernières avaient pour sujet Venise.
Le palais Vendramin-Calergi, situé vers le pont du Rialto, était la propriété de la duchesse de Berry depuis 1844.
Le palais Cavalli, situé plus en aval, juste avant le ponte Nuovo et en face de l’Academia, appartenait à son fils le comte de Chambord. Celui-ci avait connu les lieux à plusieurs reprises, lorsque l’archiduc Frédéric d’Autriche en était le propriétaire. Chambord avait l’habitude, lorsqu’il venait à Venise (appelée à l’époque la «Jérusalem des royalistes»), de séjourner à l’hôtel Danieli. Mais juste après son mariage en novembre 1846 avec Marie-Thérèse (archiduchesse d’Autriche-Este, fille aînée du duc de Modène), il racheta le palais Cavalli, et y passa tous les hivers jusqu’en 1866, date à laquelle Venise fut annexée au Royaume d’Italie. C’est dans ce palais qu’il apprit par exemple la chute de Louis-Philippe en février 1848. Sa femme transforma notamment la galerie du balcon en un jardin d’hiver, rempli de magnolia et de lauriers roses; lui-même, suite à la destruction de la maison voisine sur la gauche (notre aquarelle date d’avant cette destruction), créa un jardin contigu, un luxe assez rare à Venise. C’est sur son balcon, avec la Salute en arrière-plan, que Chambord se fit portraiturer par Adeodato Malatesta (1806-1891), oeuvre aujourd’hui conservée au Palais Ducal de Modène.
Construit au XVIème siècle, le palais Cavalli était une vaste bâtisse, mais comparé au palais Vendramin, son ameublement était assez médiocre. Le comte y recevait néanmoins souvent, aidé par des proches comme le duc et la duchesse de Levis, Monsieur de Monti ou Madame de Chabanes.
En 1877, le nouveau propriétaire était le baron Raimondo Franchetti, de Turin; il chargea vers 1896 l’architecte milanais Camillo Boito de sa restauration complète. Le palais fut vendu à la ville de Venise en 1922, et il est aujourd’hui le siège de l’Institut Vénitien des Sciences, Lettres et Arts. Eugène Grandsire fit une carrière de paysagiste et d’illustrateur, collaborant à des journaux tels que l’Illustration ou Le Magasin Pittoresque, et exposant près de cinquante oeuvres au Salon. Notamment spécialiste du fusain, il fut professeur de dessin à l’école de guerre et fréquenta un temps le cercle de George Sand à Nohant.
Domicilié au 25 quai voltaire à Paris, il eut aussi la reine Victoria comme commanditaire.
Présent à Venise à la fin des années 1840, Grandsire en réalisa plusieurs vues, comme Le port de Venise depuis les jardins publics (exposé au Salon de 1852 et 1859), ou Le marché de l’Erbaria près du pont du Rialto (aquarelle gouachée, 20 x 30,5 cm), conservé au Musée des Beaux-Arts de Quimper.